Ecouter, enregistrer, prendre des notes, transcrire, rédiger, modifier après relecture par son client, puis remettre en forme, agrémenter de photos s’il y a lieu, éditer en vue d’une diffusion plus ou moins large, telles sont les étapes d’un récit de vie. 

 

En voici un extrait :

 

" Mes premiers souvenirs datent de l’âge de trois ans : ma grand-mère me prenait sur ses genoux et mettait dans son café une goutte de rouge puis m’en  donnait deux ou trois cuillerées. Ce n’était pas mauvais ; elle ne m’en donnait pas beaucoup, c’était juste pour goûter. Elle disait que cela fortifiait ! "

 

(...)

 

" Je me souviens d’un événement qui aurait pu être dramatique. A l’époque,   il y avait des pompes en bois à balancier. De temps à autre, je m’amusais à pomper de l’eau ; or un jour, ma sœur, âgée de deux ans, a voulu venir et est tombée du mur sur le balancier, puis dans le bassin qui, par miracle, était vide ; plus de peur que de mal !  Je pleurais encore plus qu’elle ;        je pense que c’est le balancier de la pompe qui l’a un peu freinée dans sa chute. Heureusement, elle en est sortie indemne."

 

(…)

 

" Je n’ai plus vraiment fréquenté l’école après le décès de ma mère : j’étais d’abord cultivateur. J’ai arrêté l’école vers dix-onze ans, bien avant le certificat d’études. Je suis arrivé jusque là … c’est déjà pas mal. A vrai dire, pendant un an ou deux encore, j’y allais de temps en temps, comme d’autres enfants, quand on n’avait pas besoin de moi à la ferme ; ce n’est peut-être pas la même chose à présent…

 

Quand on allait aux champs avec les vaches on faisait parfois de la gelée, avec des coings  ou des prunes. Avec des copains, deux ou trois gamins de mon âge, on avait monté un petit four et on faisait du feu avec une casserole et les sucres extraits de nos poches. C’était vraiment  bon une fois refroidi et cela passait le temps."

 

(…)

 

" Un soir, on jouait Belphégor au Splendide ; à l’insu de  mon père, on s’était tous mis d’accord pour voir ce film et, en prévision, on avait  ramassé quelques petits sous.  Alors, j’avais mis un balai à ma place dans mon lit et  étais descendu discrètement par la glycine.

                                                                                                

Mais à mon retour à la maison, je remonte par la glycine et constate que mon père avait fermé la fenêtre : impossible de rentrer. Je savais que la bonne couchait de l’autre côté ; j’ai alors  tapé à sa fenêtre et lui ai demandé si elle avait la clé pour ouvrir. Elle me dit que  le patron l’avait  gardée dans sa poche.

 

Ce jour-là, j’ai dû coucher dans l’écurie avec la hantise de la réaction paternelle. Or le lendemain matin, loin de me  réprimander, il s’est mis à rigoler. J’étais encore jeune, onze-douze ans ; inutile de dire que je n’ai tout de même jamais récidivé.

 

Tout ce que j’ai appris c’est en observant. Je n’étais pas bien bon dans les écritures. Mais le calcul, ça s’apprend encore bien. (…) "